Programme
Franck Yeznikian If Whenever [2019 création] 29’59
Alexandre Yterce Le Cri de Méduse [2004] 15’24
Total 45’23
Interprète : Nathanaëlle Raboisson
Franck Yeznikian If Whenever [2019 création] 29’59
Il y a par-delà cette fable sonore d’une étendue ascensionnellement immersive tissée d’empreintes sonores a priori divergentes dans le temps et l’espace qui les ont vu apparaître, un creuset dans lequel reposerait ici comme une question fondamentale d’ordre métaphysique.
S’y croisent, tel que ce chiasme bi-directionnel (ascension et plongée) des ombres voire des fantômes telle que cette incarnation de John Donne sous une plume comme dans un corps voisé. Mais aussi, telle une invocation, ces deux figures théophoniques de la musique du XXe siècle réapparaissant sous quelques aspects idiomatiques telles qu’en intrication d’un espace, l’autre, une double dimension que j’entends en sondant ce qu’il y a d’alien en nous et autour de nous jusqu’à peut-être une forme d’aliénation salutaire pouvant encore nous gagner contre l’unidimensionnalité autrement plus aliénante qui nous assiège et nous assigne à un cadre d’un vide d’aprofondeur. D’où la question d’un langage infra-sensible vibrant, s’immisçant au-delà du nôtre. Voilà qui pose la question de jusqu’où les sons émis par la nature et les objets ne seraient-ils pas aussi de l’ordre de signaux, d’expressions voire de manifestations à entendre selon cette considération de ce qui s’étrange, là, autour de nous et peut-être en chacun de nous ? A force de fouiller au si loin des confins de notre univers, ne perdons-nous pas, au fur et à mesure, une disponibilité, c’est à dire une écoute de l’invisible de ces signaux dont nous pourrions encore être le destinataire-filtre ?
Ce ruban sonore d’une demi-heure s’inscrit tel un cérémonial sous la figure du double et du dédoublement. Cette étendue coupant l’unité d’une heure en deux parties, ne sert pas la séparation mais au contraire à une réunion dans une trame d’inséparabilité. Aussi, s’incarne-t-il ici plus qu’ailleurs dans mon travail, à partir de la physicalité même de ce que l’art acousmatique offre, une dialectique des morphologies elles-mêmes reliées à des typologies, certes réductrices telles que modales, tonales et atonales. Pendant 25 ans j’ai travaillé à cette question qui considèrerait que l’art acousmatique ne souffre pas de la gravité historique dont celle de la musique instrumentale endosse la responsabilité. Pour autant, et puisque j’ai senti que l’une de mes fonctions en tant que compositeur était de défendre cette relation à l’histoire selon un positionnement clair, mon regard et mon écoute à travers cette expression du sonore ont été de tenter de relier ces deux hémisphères qui selon ma perception s’opposeraient : tradition orale au sens du geste acousmatique immédiat laissant entendre le résultat et tradition écrite pour la composition instrumentale passant par une intériorisation dont l’éclosion acoustique est on ne peut plus différée dans le temps. Dès lors par-delà les images et leur magie propre, s’articule dans cet opus, un contrepoint où fréquences, hauteurs et sons de toutes sortes, naturels ou non, viennent s’entretisser selon un souci d’ordre à la fois intervallique et harmonique. A ce titre, je peux reconnaître l’empreinte de l’enseignement de Denis Dufour dans le sens où sa manière de composer peut s’inscrire et se percevoir dans une forme de survivance notamment baroque. Disons qu’à partir d’un postulat historique, c’est voilà une façon d’y répondre pour réinjecter à cet art merveilleusement libre de toute pesanteur, a priori, un ancrage selon l’histoire et ses conséquences devant refaire impérativement surface, pour mémoire et dans une inquiétude revendiquée pour préparer ce qu’il y aurait d’avenir, selon la lucidité du temps qu’il nous resterait malgré le fait qu’il puisse exister en parallèle d’autres dimensions hic et nunc.
If Whenever fut motivée et initiée par la demande du philosophe Frédéric Neyrat pour le journal électronique alienocene ( https://atoposophie.wordpress.com/alienocene/ ) dont les 10 premiers minutes ont été données. La pièce en son entièreté est dédiée à Olivier Capparos.
Franck C. Yeznikian
Biographie
Franck Christoph Yeznikian was born on 22 May 1969 in Besançon (France). He started playing percussions in 1984, whereupon he took various classes at the Conservatoire National de Région (C.N.R.) in Besançon. 1987 – 1989 Studies in music and singing at the Centre Polyphonique and 1989-1991 piano and improvisation at the C.N.R. Dijon with Jean-Pierre Leguay; 1991-1994 Classes in composition with Denis Dufour and Jean-Marc Duchenne at the C.N.R. Lyon (acousmatic and instrumental music), research about Heinz Holliger and Paul Celan (aesthetics); 1991-1994 Private classes with Klaus Huber as well as workshops with Sir Harrison Birtwistle, Gérard Grisey, Brian Ferneyhough, Michael Jarrell, James Dillon; 1994-1997 Studies at the Conservatoire National Supérieur de Musique et de Danse de Lyon, specialisation in counterpoint (medieval times and renaissance) with Gérard Geay ; analyse of 20th century music with Robert Pascal (research on the relationship between Klaus Huber and the poetry of Ossip Mandelstam) ; 1996 First prize « Hidden Potential » at the Boswil seminar and competition (Switzerland), Began his esearches inspirated by the art historian and philosopher Georges Didi-Huberman; 1998-2000 Composition studies at the Hoogeschool Maastricht with Robert H.P. Platz and a course at the Ircam, Paris ; 2002 Laureate of the Festival International de Musique de Besançon for „Lacrimis Adamanta Movebis“ for large orchestra. World premiere of „La ligne -la prim’ombra- la perte“ for mezzo, chor, percussions and string orchestra in Donaueschingen; 2003, Advancement award of the Academy of Arts, Berlin, Commission by Musica of «les humeurs cristallines», for viola da gamba, two theorbs and cembalo. 2005, Commission of the first string quartet “FIBRÆ” of the Diotima Strings Quartet, as well as the solo piece “La chair de l’ombre” for Theorb solo. Commission by the CNSMD de Lyon for the harp class of Fabrice Pierre with two harps and alto and compose “In statu Nascendi” for Dominique Vellard; 2007, Commission for “PHASMES (de Laocoonte)” by the SWR Stuttgart for solo cello and large orchestra, first performed by Jean-Guihen Queyras under the baton of Brad Lubman; Concert portrait in Brussels with the world premiere of PVLVERE (small ensemble, band and electronics) with the ON ensemble and the Centre Henri Pousseur Liège; Scholarship and commission in Strasbourg with the Linea Ensemble. 2009, Advancement award of the the city of Salzbourg on the recommendation of Klaus Huber and world premiere at the Mozartteum of his concerto « Harnischstriemen (Faltenachsen) » for cymbalom and ensemble based on a poem of Paul Celan. 2010, commission for a « …blessed with tuneful voice » based on the berlinian triptych of Cy Twombly for 3 instruments and electronic. 2011-2012 wrote several pieces where the poetry of Anne-Marie Albiach and the painting of Cy Twombly return. Currently working on several projects for instruments and acousmatics works also for a large visual and sounds installation « So lange es Tage ist » where a figure of Robert Schumann meet Paul Celan through the question of the drowning. His interest for the work of Cy Twombly invites him to explore this world with more time ans space. In parallel a workabout the dimension of the low volume through sessions of improvisation within a trio sine nomine with Michaël Grébil and Haïg Sarikouyoumdjian specifies at the same time his esthetic and ethical position.
In preparation a book including 2 cd’s with numerous contributions for the editions Inactuelles is awaited in 2019
Alexandre Yterce Le Cri de Méduse [2004] 15’24
[op. 28]
A l’origine de l’art, il y eut ce besoin de conjurer la puissance de la mort, de se concilier des puissances invisibles, et non d’adorer des dieux : la beauté fut ce que l’homme imagina pour contenir l’horreur. Méduse est gardienne des deux mondes, celui des vivants et celui des morts, celui des choses qui se voient et celui des choses qui ne se voient pas. Celui de l’ordre et de la raison, et celui de la folie et du chaos.
Biographie
Né en France, compositeur indépendant et metteur en scène, Alexandre Yterce a été l’un des membres fondateurs, de 1978 à 1981, de l’ensemble ADN, groupe de musiciens, plasticiens, comédiens et vidéastes itinérants. Cette expérience le mènera à donner à travers l’Europe, outre ses propres créations, celles de compositeurs tels que Cage, Stockhausen, Varèse, Puig, qu’il interprètera dans des espaces publics, musées, galeries et universités. En 1988, il réalise ses premières pièces de musique concrète au studio Accès Digital, à Rouen, France, tout en continuant ses compositions pour ensembles instrumentaux et vocaux, avec ou sans interactions électroacoustiques. Depuis 1989, date de sa première compagnie, T.A.M., — devenue aujourd’hui LICENCES —, il donne régulièrement des actions scéniques où des interprètes réagissent à diverses combinaisons d’instruments, de voix, de supports électroacoustique et vidéo. Il poursuit en même temps son théâtre musical, qu’il nomme Dramaphonie, inspiré de textes littéraires et poétiques (Sade, Hölderlin, Nietzsche, Rimbaud, Artaud, Bataille …). Sa création s’étend aussi aux domaines des arts plastiques et du cinéma. Dès1999, il fait paraître, avec la photographe Florence Gonot, la Revue-Disque LICENCES et le Livre-Disque SONOPSYS, monographies consacrées aux compositeurs de musique acousmatique affiliés aux recherches de Pierre Schaeffer. Après divers concerts en tant qu’interprète d’œuvres électroacoustiques, il fonde à Paris, en 2000, le festival « Brûlures des Langues », lieu de création internationale où se rencontrent les musiques concrète/acousmatique et électronique, la poésie sonore, le théâtre musical et le cinéma expérimental.