Programme
François Bayle Purgatoire [1972] 72’52
Interprète : Eric Broitmann
Le projet d’une Divine Comédie électroacoustique a été élaborée en collaboration avec Bernard Parmegiani, ce dernier se chargeant de L’Enfer. Ce diptyque appartient au genre particulier (ici nommé “cantique électronique”), spécifiquement électroacoustique, qui mêle voix parlée d’un narrateur aux possibilités sonores et musicales du studio. Cette catégorie d’œuvres fait un pont entre musique et art radiophonique. Le Purgatoire est l’un des chefs-d’œuvre du genre, entre l’Apocalypse de Jean (Pierre Henry), qui le précède de quelques années, et la Tentation de saint Antoine de Michel Chion, pour qui il fut un modèle — ou encore, plus récemment, la Chanson de la plus Haute Tour de Denis Dufour (2000).
Le projet de composition du Purgatoire remonte à l’époque de Jeîta. Le compositeur le met en rapport avec le choc même que fut pour lui son “ séjour spéléologique à Jeîta, parmi les formes fantastiques de la réalité souterraine ” (Bayle — cf. ci-dessus Jeîta). On voit par là qu’il fait partie d’un faisceau d’œuvres quasi-contemporaines qui se répondent les unes les autres. Jeîta est déjà la “ longue attente ” du Purgatoire, et les épreuves de celui-ci répondent aux expérimentations et recherches de l’Expérience Acoustique. Le Purgatoire est une nouvelle expérience acoustique, initiatique, orientée vers la transparence ; il est le lieu où la lumière s’espère — comme “ Béatrice est l’espoir de l’amour ”.
Le déroulement dramatique de l’œuvre semble contenu dès les premiers sons entendus. Ces nappes, arches et arabesques électroniques sont le “sang” de la pièce — son principe de circulation. Elles nous entraînent avec persévérance à travers les épreuves, nous orientent vers la “lumière”. Leurs flux fins et moirés, étirés comme s’ils enjambaient les lieux et les époques, donnent à l’ensemble sa teneur de sérénité ardente et froide. Elles procurent presque cette sensation de douleur réparatrice qu’on ressent en étirant des muscles engourdis — c’est que la transparence se gagne par un travail. En opposition, les sons “concrets” nous ramènent à un présent étroit et douloureux : en particulier ces impacts brutaux de lames vibrantes à résonances courtes et grésillantes qui jalonnent l’œuvre — ou nous renvoie à des énergies confinées : bouillonnement de clarinette, bouffées de voix lyriques fragmentées. Le texte et la voix du narrateur (Michel Hermon), sont le troisième “pôle” de la pièce. Cette voix est souvent traitée, estompant parfois (sans jamais le rendre inintelligible) le texte de Dante, dont le sens tour à tour structure et égare l’écoute.
Biographie
1932 Tamatave, Madagascar
On peut imputer à une enfance « non occidentale », à une formation musicale plus ou moins nomade et principalement autodidacte, son adaptation naturelle au caractère problématique des musiques expérimentales, surtout dans la situation des années 60, génération dans laquelle F.B. se situe dans ses débuts de compositeur.
Responsable du GRM (Groupe de Recherches Musicales) en 1966, d’abord auprès de P. Schaeffer (Service de la Recherche de l’ORTF), puis au sein de l’INA (1975-1997), c’est à travers ces organismes au destin original que F.B rassemble et constitue les éléments de son expérience, acquiert et développe ses techniques personnelles d’un métier du son acousmatique.
Quittant le GRM en 1997, François Bayle installe son propre atelier audionumérique et multiphonique : le Studio Magison où il se consacre désormais complètement à la recherche, l’écriture et la composition.
http://www.francoisbayle.fr/